On entend de plus en plus parler des fonctions cognitives, de l'apport des neurosciences dans la vie quotidienne, des fonctions supérieures. Mais au fond, qu'est-ce que c'est? Petit aperçu...
Définition
La Société de Neuropsychologie de Langue Française, la SNLF, a défini la neuropsychologie comme étant la discipline qui étudie les liens entre le fonctionnement du cerveau et le comportement (le comportement étant entendu au sens large : notre comportement observable mais aussi les fonctions qui amènent à ce que l’on adopte un comportement particulier : ces fonctions "invisibles" sont ce que l'on appelle les fonctions cognitives).
Cette discipline a développé progressivement des applications dans le diagnostic, l’analyse des troubles, la rééducation et la prise en charge des personnes.
Elle est vue comme étant animée d’une double ambition :
1. décrire les substrats cérébraux sous-tendant les conduites humaines, y compris les plus élaborées,
2. utiliser ces nouvelles connaissances pour une meilleure compréhension des "maladies du cerveau" avec comme finalité le mieux-être des patients.
Un examen neurocognitif?
La démarche au travail du neuropsychologue sera dans un premier temps d’effectuer un bilan neurocognitif pour ensuite seulement entamer une rééducation. Lors de ce bilan, les fonctions cognitives les plus communément investiguées sont :
• La mémoire
• L’attention
• Les fonctions exécutives
Ces fonctions peuvent être atteintes après une lésion cérébrale ou se développer durant l'enfance avec davantage de difficultés. Ces déficits ou retards d'apprentissage pourront avoir une incidence au quotidien. C’est pourquoi, je vais vous en expliquer le fonctionnement en grandes lignes afin de tenter de vous apporter quelques éclairages. D’autres fonctions cognitives peuvent évidemment être atteintes, mais nous ne les décrirons pas ici.
Deux grands systèmes de mémoire sont décrits dans la littérature scientifique. On distingue la mémoire à court terme (« de travail ») et la mémoire à long terme, pouvant être soit davantage verbale, soit davantage visuelle.
1. La mémoire à long terme intervient lorsqu’il faut retenir un certain nombre d’informations pendant un temps assez long qui peut aller de quelques minutes à plusieurs années. C’est là que vous allez par exemple encoder le numéro de votre carte de banque, le contenu de conversations que vous avez eues…
Et si l'on imagine le cas d'une personne dite "cérébrolésée" (i.e., dont le cerveau a subi un dommage suite à un traumatisme crânien, une anoxie cérébrale ou suite à une atteinte vasculaire par exemple), que se passe-t-il au niveau de la mémoire?
Traçons une ligne du temps… Tous les événements de votre vie qui se sont déroulés depuis votre naissance jusqu’à votre accident, sont "placés" dans une mémoire du passé. Lors d’un accident, ils peuvent être perdus, on parle alors d’amnésie rétrograde. Ce qui arrive plus fréquemment, c’est qu’une personne éprouve des difficultés, depuis son accident, à retenir de nouvelles choses comme si le temps s’était interrompu le jour de leur accident. On parle alors d’une amnésie rétrograde.
Il existe différentes sortes de mémoire à long terme. Elle peut en effet porter sur des événements autobiographiques (le visage de votre institutrice lorsque vous aviez 6 ans , la maison de vos grands-parents, votre date de naissance mais également des anecdotes de vie plus précises comme le jour où votre papa vous a pris dans ses bras et qu'il vous a glissé à l'oreille que ce soir, pour les 35 ans de maman, une petite fête était organisée. Vous étiez dans la cuisine et il portait sa chemise à carreaux rouge et bleue...), mais également sur des connaissances sémantiques plus "encyclopédiques" comme la capitale de la France, le fait qu'il y a 4 saisons dans une année, etc.
Nous avons aussi coutume de distinguer :
Mémoire verbale : elle permet de mémoriser une information reçue oralement
Mémoire visuelle : elle permet de mémoriser une information visuelle
Il sera important de savoir si l’une a été ou non plus touchée que l’autre, de manière à s'adaptez au mieux.
2. La mémoire à court terme permet le stockage et la manipulation d’un nombre limité d’informations, pendant un court laps de temps. Par exemple, c’est ce système de mémoire qui sera en jeu lorsque vous allez donner une consigne à votre enfant. C’est une mémoire qui est sensible à l’interférence.
--> Ex vous devez composer un numéro de téléphone, on nous dérange et on l’oublie. Chez les personnes cérébrolésés ou les enfants plus distraits, cette sensibilité à l’interférence est souvent exacerbée!
Lorsque quelqu'un présente des problèmes d’attention, il peut être distrait ou occupé à faire autre chose, il peut encore être peu vigilant (il bâille, ses paupières semblent lourdes)
… Au fond, qu’est-ce que l’attention ?
Fréquence
Les troubles de l’attention sont très fréquents après un dommage cérébral. En 1984, des chercheurs ont estimé que 80% des personnes cérébrolésées présentaient des déficits des fonctions attentionnelles. Pourtant, si l’on interroge ces personnes, seuls 31% d’entre elles rapportent présenter un tel déficit. Ce qui peut expliquer cette différence, c’est que les problèmes d’attention peuvent se manifester de différentes manières (par exemple : la négligence complète d’un côté de l’espace, une distraction accrue, un ralentissement des temps de réaction, …). En réalité, les problèmes attentionnels vont détériorer l’efficacité d’autres processus cognitifs et c’est pour cette raison que les manifestations de ces problèmes peuvent être très variables.
Définition
Nous allons définir l’attention de la manière suivante :
L’attention est une fonction de base impliquée dans toute performance intellectuelle ou comportementale, tant au sein de la vie quotidienne que lors des activités thérapeutiques (définition de Leclercq & Zimmermann, 2000 )
L’attention est donc presque toujours requise, quel que soit le type d’activité que nous sommes occupés à faire. Cette constatation a pour corollaire qu’il sera difficile d’isoler au quotidien les phénomènes attentionnels. C’est en effet toujours de manière indirecte qu’on pourra en avoir un aperçu, il s’agira pour nous de voir en quelle mesure elles « modulent » la qualité des démarches cognitives, les comportements ou même la manière dont la personne peut s’adapter aux stimulations qui lui sont faites.
L’attention ou « les » attentions ?
Depuis plusieurs années, le terme générique d’ « attention » s’est vu remplacé par différents concepts plus spécifiques. Ces concepts correspondent à des réalités cliniques très différentes. Nous allons regrouper ces différents concepts autours de deux axes principaux.
_ Axe de l’intensité
Il s’agit de la capacité générale à se concentrer, c’est-à-dire un niveau de base de l’attention, qui est composé de :
· L’alerte et la vitesse de traitement : il s’agit de la capacité à engager son attention avec ou sans signal avertisseur. Imaginons nous en voiture. Nous conduisons un véhicule. Notre vitesse de traitement correspondra par exemple à notre capacité à réagir rapidement lorsqu’un piéton traverse brusquement la rue, ou à réagir rapidement lorsque le feu passe à l’orange.
· L’attention soutenue et la vigilance : c’est notre capacité à maintenir sur une longue durée notre attention et ce, lorsque les signaux à détecter sont -ou non- fréquents. Par exemple, lors d’un travail à la chaîne, il s’agira de notre capacité à trier toute la journée le papier du plastic parmi des déchets qui circulent sur un tapis mécanique.
_ Axe de la sélectivité
La sélectivité correspond à notre capacité à diriger notre attention sur une information pertinente, c’est-à-dire sur ce qui est intéressant pour la tâche que nous sommes occupés à faire. On parle du « filtrage » attentionnel. Il s’agit des niveaux dits « supérieurs » de l’attention. Cet axe est composé de :
· L’attention sélective et focalisée : c’est la capacité à diriger notre attention sur une information pertinente en ignorant les distracteurs.
Imaginons deux amis attablés dans un café. Lors de leur conversation, Paul va devoir diriger son attention sur ce que lui dit Jean, assis en face de lui, alors que leurs voisins parlent entre eux d’autre chose. Il va donc devoir porter son attention sur la conversation qu’il tient à Jean, qui est pertinente, et inhiber l’écoute des autres conversations.
Un déficit de l’attention focalisée entraîne, au quotidien, une distractibilité: défaut d’inhibition des stimuli non pertinents pour la tâche en cours
Un cas particulier de troubles attentionnels est ce que l'on appelle l'Héminégligence : il s'agit de la difficulté à détecter, à répondre ou à s’orienter vers des stimuli signifiants situés du côté opposé à une lésion cérébrale. Elle peut induire des troubles de l’utilisation de l’hémicorps controlatéral (négligence motrice) et s'associer de ce fait à une altération du schéma corporel.
· L’attention divisée : elle correspond à la capacité à diriger notre attention sur plusieurs paramètres de filtrage à la fois. Il s’agira ici de gérer deux types d’informations en même temps.
Dans notre exemple du café, Paul va toujours diriger son attention sur ce que dit la personne en face de lui, tout en portant en même temps son attention sur le serveur, en vue de lui demander un autre café.
Un déficit de l’attention divisée rend difficile la réalisation deux tâches simultanément.
Il s'agit de l'ensemble de processus dont la fonction principale est de faciliter l’adaptation de la personne à des situations nouvelles, et ce, notamment lorsque les routines, les schémas habituels ne suffisent pas. Il s’agit donc de s’adapter à une situation nouvelle, non routinière et nécessitant un contrôle supplémentaire. Les fonctions cognitives qui nous permettent ce contrôle requièrent les capacités suivantes:
Inhibition
Planification
Prise d’initiative et déduction
Flexibilité
Prenons un exemple :
Aujourd’hui, j’ai rendez-vous à Bruxelles dans un endroit où je ne suis jamais allée. Comment vais-je m’y prendre ? Vais-je y aller en transports en commun ? En voiture ?
Un autre exemple serait une situations où vous devez vous contrôler ; gérer deux tâches simultanément.
Exemple : j’ai un coup de téléphone important alors que je suis en train de préparer le repas.
Les fonctions exécutives dépendent du lobe frontal du cerveau, c'est pourquoi on parle parfois de « Syndrome Frontal » dont les conséquences peuvent être des troubles dans la réalisation des activités complexes de la vie quotidienne.
Pour détailler davantage encore ces fonctions, j'avais envie de terminer sur ces quelques éléments:
--> Inhibition
Ensemble des mécanismes permettant d’empêcher que des informations non pertinentes ne viennent perturber la tâche en cours et de supprimer des informations précédemment pertinentes qui sont devenues inutiles. C’est donc la capacité à se contrôler, à s’empêcher de faire quelque chose, à résister aux interférences.Quelques conseils:
Organiser son environnement au préalable : éviter les interférences.
Cadrer la personne, lui fixer des limites claires.
Lui donner des traces écrites, des endroits de référence…
-->Flexibilité
Capacité à modifier ses habitudes, à passer d’une chose / d’une idée à une autre.
Réactive : capacité à déplacer le focus attentionnel d’une classe de stimuli à une autre, capacité d’alterner
Spontanée : capacité à produire un flux d’idées ou de réponses suite à une question simple, cela nécessite une forme d’agilité de la pensée, une capacité d’évoquer des aspects moins familiers de la connaissance au détriment des réponses plus habituelles ou automatiques
Quelques conseils:
Prendre un peu de temps pour insister sur le fait que la situation précédente est terminée ou changée.
Demander à la personne de noter les différentes modifications à un endroit précis.
--> Planification
Capacité à établir un but et à organiser différentes étapes pour l’atteindre
Quelques conseils:
Les encourager à trouver des stratégies, des plans d’actions…
1. Analyser la situation (que dois-je faire? De quoi dois-je tenir compte? Qu’ai-je à ma disposition?).
2. Réaliser une chose/une étape à la fois.
3. Cocher lorsque c’est terminé.
4. Vérifier !
--> Déduction et prise d’initiatives
Capacité à tirer des conclusions et à agir en conséquence.
Quelques conseils:
Envisager avec la personne les conséquences de la situation actuelle.
L’encourager à agir.
J'espère du fond du cœur que ces quelques informations, sommes toutes malheureusement bien théoriques, vous auront intéressés...